18/02/2017

Canal mer Rouge-mer Morte

Les travaux démarreront en 2018

La mer Morte voit son niveau baisser d’un mètre par an depuis 1970. Cette mer cristallise tous les tensions géopolitiques du Moyen-Orient : une rareté de la ressource en eau, des besoins importants pour l’agriculture et l’eau potable, une manne touristique fragile et une écologie qui passe bien souvent au dernier rang des préoccupations. Ainsi la mer Morte est en passe de disparaître. Son assèchement n’est plus qu’une question d’années tant les prélèvements s’accroissent dans sa principale source d’alimentation, le fleuve Jourdain. Israël et la Jordanie ont décidé de réagir en construisant un gigantesque pipeline de 180 kilomètres de long reliant la mer Rouge à la mer Morte. Une usine de désalinisation sera adjointe au projet.

L’eau du Jourdain, qui alimente la mer morte, est prélevée à 95 % par les pays riverains pour l’agriculture tandis que le tourisme représente une part toujours plus importante de l’économie du Royaume de Jordanie. À 429 mètres au-dessous du niveau des mers, la mer Morte en train de s’assécher, en menaçant le tourisme balnéaire et patrimonial. Le site du baptême du Christ dans le Jourdain, les grottes de Qumran où furent découverts les manuscrits de la mer Morte, et l’attraction de la mer en elle même drainent des millions de touristes tous les ans pour les pays riverains, dont les eaux très salées sont réputées en balnéothérapie. Son exceptionnel taux de salinité, 247 grammes par litre contre seulement 9 pour la méditerranée en fait une attraction recherchée… L’activité d’extraction de minéraux par évaporation constitue une cause supplémentaire d’assèchement : chaque année quelque 600 000 tonnes de sel y sont extraites pour être utilisées dans l’industrie agroalimentaire ou cosmétique. Dans le même la situation hydrique de la Jordanie se détériore alors que la demande en cause augmente sous le fait de la pression démographique (accentuée par le nombre important de réfugiés de Syrie) et des activités économiques, notamment touristiques. Fin novembre 2016, la Jordanie a annoncé avoir choisi les cinq consortiums internationaux (France, Japon, Chine, Singapour, Canada) regroupant près de 20 entreprises pour lancer les travaux à partir de 2018. Cette première phase prévoit la construction d’un pipeline de 180 kilomètres pour relier la mer Rouge à la mer Morte, ainsi qu’une usine de dessalement pour apporter de l’eau douce à toute la région. Financé en partie par la Banque mondiale et des pays donateurs, le projet a véritablement été lancé par les accords de coopération de 2013 entre Israël, la Jordanie et la Cisjordanie occupée, ce qui lui vaut le surnom de "canal de la paix". L’usine doit pouvoir traiter à terme 85 millions de mètres cubes par an, tandis que 300 millions de mètres cubes d’eau seraient déversés dans le pipeline à partir du captage en mer Rouge. En termes d’investissement, cette première phase est estimée à un milliard de dollars, pour un coût total du projet qui pourrait s’élever à 10 milliards de dollars. 

Les ONG locales s’inquiètent de l’impact d’un déversement massif d’eau de mer, qui pourrait entraîner le développement d’algues rouges et de cristaux de gypse. Dans son étude de faisabilité, la banque mondiale a elle-même reconnu un risque écologique, toutefois maîtrisable. De même, l’usine de dessalement ne satisfait pas les associations qui pointent son manque d’ambition et ses immenses besoins d’énergie. Friends of the Earth Middle East (FOEME) dénonce également un prix de l’eau excessif pour les populations locales  et milite pour une réforme en profondeur des politiques nationales de l’eau.

Niels de Girva,  e-rse.net  – Israël Science Info  
De 1972 à 2011, la surface de la mer Morte est passée de  950 km2 à 637 km2.

 

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